Témoignages sur l’autel

L’autel vu par un témoin de sa genèse

« Je me souviens de ces longues silhouettes de bois dense et veiné, imaginées, pensées, sculptées, polies par des mains créatrices et médiatrices. Huit formes, huit identités traversant les siècles et les cultures pour incarner une foi.

Je me souviens de ce flot de bronze en fusion dont l’éclat irradiait le regard de Jean Touret. Je me souviens du souffle des fondeurs, des bruits mats de la sculpture d’un saint que l’on démoule à même le sol, de tous les bruits et des odeurs de ce bel atelier si proche, aux portes de Paris.

Je me souviens aussi des échanges feutrés au cœur même de la cathédrale avec le Cardinal Lustiger et je revois cette masse de bronze habitée de prophètes et de saints ayant trouvé sa juste place dans le chœur mythique de Notre Dame de Paris.

Intemporalité, transcendance, beauté brute et sensible, l’autel majeur de Notre Dame était tout cela.

« Quand l’esprit souffle, il souffle » aimait à dire Jean Touret.

Cet autel s’est mis à battre dans le chœur de Notre Dame il y a des décennies et il incarne une part de cette beauté intemporelle que porte en elle l’architecture mythique du grand vaisseau de pierre qui constitue le vrai cœur de Paris.

Il ne doit pas cesser de le faire. »

L’autel vu par un architecte

Témoignage de Jean-Marie Duthilleul, architecte :

« Ce qu’il y a de très puissant dans cet autel ; c’est sa verticalité. Il est beaucoup plus vertical que les autels habituels, et le célébrant est mis en situation de rassembleur. Et il est rassembleur dans une continuité qui est exprimée par les personnages qui sont tout autour. Les apôtres et les prophètes, ceux que voient la plupart des fidèles, sont ceux qui introduisent le célébrant actuel. Donc il y a un lien très puissant entre l’histoire, l’origine historique du partage du pain et du vin, la Cène, et le célébrant aujourd’hui. Je pense que c’est ça qui fait sa force et sa puissance. »

L’autel vu par un historien d’art

Frère Philippe Markiewicz – Extrait de la Revue « Arts Sacrés » –2013 – Hors série n°3

« La qualité de cet autel, son échelle dans l’architecture et sa présence — malgré ses dimensions modestes — en font l’une des plus belles réussites de la création liturgique de ces cinquante dernières années. »

Témoignage d’une théologienne

Il est rare que l’on fasse, sur un autel, le lien entre Celui qui est célébré et d’où vient Celui qui est célébré.

Tout ce qui rétablit la mémoire fait surgir du lien et donc de l’avenir.

Les qualités esthétiques de cette œuvre : il refuse un art pieux, qui, force est de constater, continue de fleurir .

Cet autel des Touret a la singularité de tenir ensemble force et simplicité dans la ligne des plus belles traditions spirituelles.

Témoignage d’un prêtre

Ces deux artistes et le Cardinal Lustiger avaient tous trois longuement pensé cette installation.
D’abord sa forme, qui devait nécessairement s’inspirer de la très grande force d’élévation spatiale et spirituelle de Notre-Dame. La monumentalité de l’édifice et du culte qui y est rendu a donc conduit au choix d’un autel haut. Un autel suffisamment haut dans sa structure et dans son positionnement au sommet des marches du chœur pour que tous les fidèles qui participent à la liturgie eucharistique puissent voir le geste humble mais signifiant de la consécration, de l’élévation et de l’invitation « au festin des Noces de l’Agneau ».

Ensuite son style qui devait éviter le double écueil du plagiat médiéval et de la fausse inspiration, privée de la dimension historique et scripturaire que le lieu qui signifie au maximum le sens de la concentration de l’histoire doit respecter. Cette dimension historique et scripturaire que Jean et Sébastien TOURET ont réussi à donner à l’autel de bronze avec quatre évangélistes (Matthieu, Marc,  Luc,  Jean) et quatre grands prophètes (Ezéchiel, Isaïe, Jérémie, Daniel).

Ici sont respectés à la fois le sens de l’histoire selon les Ecritures Saintes et la tradition architecturale et statuaire de la cathédrale puisque ces personnages de l’histoire sainte se retrouvent aux portails de la cathédrale.

Il y a donc une forme de mise en abîme généreuse et significative entre le porche de l’église et l’orée du mystère de la présence de Dieu dans le culte eucharistique.

Témoignage d’une parisienne

François Cheng a dit un jour avec ferveur à La Grande Librairie peu après l’incendie que Notre Dame était notre âme. Et dans cette cathédrale, située exactement sous la voûte, l’autel moderne de Jean et Sébastien Touret était depuis 1989 l’âme de ce grand édifice. Parisienne, je me promenais souvent dans ses allées, mais c’est devant l’autel que je ne manquais jamais de m’asseoir. Sa dimension modeste à taille humaine et ses personnages en relief avaient une telle présence que tout était matière à la méditation. Son humilité faisant vibrer tout l’espace alentour avec ses rosaces, ses vitraux, ses trésors merveilleusement ouvragés. Je serai inconsolable si cet autel n’était pas reconstruit à l’identique.

Témoignage d’un musicien

Il se dégage de cet autel une haute spiritualité, que concrétisent l’union de l’Ancien et du Nouveau Testaments, les prophètes annonçant les évangélistes. Il est un lieu de méditation pour tous, et de prière pour les croyants, en parfaite adéquation avec les valeurs spirituelles de la cathédrale depuis de nombreux siècles.

Témoignage d’un visiteur allemand

L’autel contemporain de la cathédrale Notre Dame de Paris a signifié pour moi l’ancrage de la foi dans la modernité. Il est pour moi un médiateur artistique majeur entre l’origine de la foi chrétienne et le monde moderne – dans la conception de l’œuvre d’art, dans l’exécution stylistique et dans son message. J’espère de tout cœur que ce symbole de la foi éternelle puisse renaître à l’identique avec la merveilleuse cathédrale qui l’héberge.

Mystère préservé par le caractère iconique de la représentation des personnages. Mystère caché qui se donne quelque peu à voir dans le signe des personnages représentés.

Un sanctuaire détruit, un peuple en exil – par Anne Miguet, écrivain

Verticalité de cet autel si fortement pensé  et créé  pour être en harmonie avec le lieu dont il est devenu et l’Esprit et l’Epouse !

J’entends  souffler sous les voûtes  ce presque dernier verset de l’Apocalypse : L’Esprit et l’Epouse disent « Viens »

Or dans cette reconstruction qui ressemble à un retour d’exil de notre cathédrale – « nous  étions comme en songe » dit le psaume – ce  « Viens» ressemble à un « Reviens », ou même à un « Fais-nous revenir à toi ».

Oui c’est bien tout le peuple de Dieu qui cherche à revenir à Lui dans son sanctuaire détruit et reconstruit. De même que la cathédrale a ses clés de voûte, elle a ici la clé de sa Liturgie.

Jean-Marie Lustiger, cet archevêque inspiré, et Jean Touret, ce sculpteur qui tutoyait les prophètes, ont déposé des clés profondes dans cette table nuptiale où sont célébrées les noces de l’Agneau et de son peuple.

Tous deux ont escaladé beaucoup de dogmes et de glace pour arriver à cette haute table épurée à laquelle le Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob invite son peuple, une unique table mystique venue dans la lignée des tables de la loi, une table d’effusion avec ses évangélistes et ses prophètes et même ses trois hiérarques au dessus qui ajoutent  à la nécessité équilibrée de l’ensemble, si bien qu’en secret, Jean-Marie l’archevêque juif serait le successeur de ceux là, prophètes, évangélistes et hiérarques, invisible passeur de relais vers d’autres officiants.

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