Manifeste pour une restauration de l’autel contemporain
Quand l’œuvre de restauration architecturale de cette figure tutélaire de notre histoire que représente la cathédrale de Paris se terminera, il restera à réintroduire le mobilier liturgique nécessaire à sa fonction première d’édifice religieux.
Or parmi les trésors disparus dans l’incendie figure l’autel contemporain réalisé en 1989 par Jean et Sébastien Touret. L’une des premières photos prises après la catastrophe montrait l’autel intact surgissant au milieu de la fumée mais malheureusement écrasé dans les heures qui ont suivi par des débris de la voûte.
Paroissiens de Notre Dame, chrétiens de passage venus pour un office ou simples visiteurs nous avons tous été frappés par la force et la lumière venue de cette œuvre prégnante qui nous invitait, dans sa sobriété, à la fois à la contemplation et au recueillement.
En entrant dans la nef, le regard était immédiatement subjugué par l’harmonieux ensemble que constituait l’autel de Jean Touret et la belle croix dorée de Couturier qui, située en arrière-plan, a été miraculeusement préservée des flammes. L’ensemble captait la lumière, la renvoyait en éclat d’or, conduisant le visiteur vers le cœur liturgique de l’église devenue monument.
Dans cette vaste architecture, à la frontière du transept et du chœur, l’autel, mis en scène avec son ambon par Jean-Marie Duthilleul, apparaissait comme une force monumentale et spirituelle. Cette présence est admirablement montrée dans un film de la cérémonie des vêpres, ( https://www.youtube.com/watch?v=xLBF0Zb8Bs4 ), un beau et poignant témoignage de KTO, réalisé une heure avant le désastre du 15 avril 2019.
L’historien d’art Philippe Markiewicz, dans la revue Arts Sacrés, a parfaitement résumé ainsi les caractéristiques de cet autel :« La qualité de cet autel, son échelle dans l’architecture et sa présence – malgré ses dimensions modestes – en font l’une des plus belles réussites de la création liturgique de ces cinquante dernières années ».
Sur la face de l’autel figuraient les silhouettes presque abstraites des quatre Evangélistes, Mathieu, Marc, Luc et Jean et sur chacun des deux côtés, celles des quatre grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel.
Ainsi la pierre d’autel sur laquelle était offert le sacrifice eucharistique était portée par ceux qui venus de l’ancien et du nouveau testament nous ont transmis le témoignage sur lequel repose la foi de l’Eglise.
Cette magnifique catéchèse en bas-relief s’inscrivait ainsi dans la continuité de la statuaire des porches de la cathédrale qui accueille toujours le visiteur, signe que l’on peut « faire toutes choses nouvelles » dans le respect de l’esprit qui a inspiré le travail des bâtisseurs il y a plus de huit cents ans.
Cet autel hautement symbolique, s’inscrit également, à travers la mémoire d’un archevêque hors du commun, dans l’histoire de la cathédrale. Cette œuvre était le fruit d’une rencontre. Celle du futur archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger, alors qu’il était encore aumônier des étudiants de la Sorbonne, avec le sculpteur Jean Touret.
Ceux parmi nous qui ont eu la chance de les rencontrer savent combien s’accordait dans leur désir d’aller à l’essentiel, la spiritualité de ces deux croyants. L’autel de Jean et Sébastien Touret, au-delà de sa valeur esthétique, en était le vibrant témoignage.
Jean-Marie Lustiger désirait cet autel comme un outil liturgique essentiel. Voici comment il décrit l’œuvre résultante : « Ces signes aident à la contemplation. L’autel est un signe d’amour qui nous réunit et nous rassemble…Puisse cet autel être un mémorial où notre mémoire trouve un repère…La vocation d’un artiste est d’être capable de poser un geste d’espérance ! »
Pour l’une ou pour plusieurs de ces raisons, les signataires de cette lettre souhaitent manifester leur profond attachement à la reconstruction de l’autel à l’identique.
C’est techniquement possible, car le sculpteur Sébastien Touret qui l’avait co-réalisé avec son père, a conservé non seulement les maquettes, mais également les formes ayant permis de couler les personnages de bronze. De plus nous savons maintenant que sept des huit personnages coulés en bronze ont été retrouvés quasiment intacts dans les décombres.
Manifeste rédigé en juillet 2019 par le comité de soutien de l’autel contemporain de Notre Dame : Christiane Deluz, Jean-Noël Hallet, François Touret, Grzegorz Tomczak