Introduction

Ce texte raconte la période « designer » de la carrière de Jean Touret : essentiellement les quinze premières de sa carrière après son retour de la  guerre : son installation dans le village de Marolles, sa rencontre avec ses habitants, sa découverte du travail artisanal, la création d’une coopérative artisanale dont il est le directeur artistique, la réussite et la fin de cette aventure.

Le mobilier produit à cette période est  l’objet d’un chapitre séparé, illustré par de magnifiques photographies d’époque de Jean-François Doré. De la même génération que Jean Touret, il vient d’ouvrir son magasin de photographe dans la ville voisine de Blois. Doué d’un sens esthétique certain, et d’une grande curiosité, il a vite sympathisé avec Jean Touret et lui est resté fidèle tout au long de sa carrière. Il a documenté toute l’aventure artisanale de Marolles, et une grande partie de l’œuvre de Jean Touret.

1947 :  Installation de Jean Touret à Marolles

Jean Touret, fait prisonnier au début de la guerre, est envoyé dans le sud de l’Allemagne, dans les montagnes boisées du Herzgebirge. Il y partage la vie rustique des paysans, il apprend la rudesse d la nature. Il est bucheron. Il découvre les arbres, le bois, qu’il apprend à évaluer, couper, et charrier.

De retour en France, il se sent incapable de réintégrer le monde petit bourgeois tel qu’il l’avait connu avant guerre. Il lui faut donner un sens plus large à sa vie.

Avant la guerre, il avait suivi des cours de dessin et de peinture au Mans avec un ami Maurice Rocher. Ils allaient ensemble peindre dans la campagne.

Il retrouve Maurice Rocher, devenu peintre, qui lui présente sa belle-sœur Odile. Jean Touret l’épouse.

Il s’installe à Marolles, tout petit village beauceron de 450 habitants, exclusivement rural, à proximité de Blois.

Marolles – Loir & Cher - Rue principale en 1950

Rue principale de Marolles

 

 

Il trouve pour sa jeune famille un logement dans les communs du château de Pezay, situé dans un parc à la sortie du village.

Marolles - Les communs du château de Pezay– Huile de Jean Touret – 1950

Les communs du château de Pezay, à Marolles – Huile de Jean Touret – 1950

Il commence une carrière prometteuse de peintre. Une galerie parisienne écoule sa production régulièrement. Il ne nous reste que très peu d’œuvres de cette période. Mais soudain le galeriste disparaît. Pour subvenir aux besoins de sa famille nombreuse, il se met à enseigner le dessin dans un collège à Blois, et participe aux travaux des champs dans les fermes beauceronnes.

Jean Touret fume la pipe. Il s’approvisionne au tabac du village,  tenu par l’épouse du menuisier, Emile Leroy. Son atelier est le lieu de réunion quotidienne des hommes du village. Jean Touret apprécie la simplicité et l’authenticité de ces beaucerons, paysans et artisans. Il entre dans leur intimité.

Les habitués de l’atelier d’Emile Leroy : graffitis réalisés en 1950 par Jean Touret sur un mur de plâtre de l’atelier, maintenant cachés par une étagère.

 

 

Artisans de Marolles – Cultivateur – Mr Moreau - Croqué par Jean Touret – 1950

Mr Moreau – Cultivateur – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

 

 

Artisans de Marolles – Pierre Yvon - Cultivateur - Croqué par Jean Touret – 1950

Pierre Yvon – Cultivateur – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

 

Artisans de Marolles – Jean Touret - Croqué par Jean Touret – 1950

Jean Touret – Artiste – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

 

Artisans de Marolles – Cultivateur – Mr Vion - Croqué par Jean Touret – 1950

Mr Vion – Cultivateur & ferronier – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

 

Artisans de Marolles – Emile Leroy – Père - Menuisier – Croqué par Jean Touret – 1950

Emile Leroy – Père – Menuisier – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

 

Artisans de Marolles – Maurice Leroy - Menuisier - Croqué par Jean Touret – 1950

Maurice Leroy – Fils – Menuisier – Croqué par Jean Touret sur le mur de l’atelier en 1950

1950 : Les Artisans de Marolles

Jean Touret déplore le gout du grand public pour le mobilier standardisé, manufacturé en matériaux industriels, oublieux des savoir faire traditionnels, et retirant le travail aux artisans locaux.

Il décide de créer une association de production de meubles et d’objets décoratifs avec les artisans du village en associant les savoir-faire : un ébéniste, un ferronnier, un vannier et plus tard un céramiste.

Le noyau initial :

  • Jean Touret, directeur artistique
  • Maurice Leroy, menuisier à Marolles
  • Son fils Emile
  • Henri Vion, ferronier à Marolles
  • Edmond Le Flohic, vannier à Marolles
  • Manuel Gold, potier installé à Marolles, venu de Paris
Artisans de Marolles- 1950 - Emile Leroy, Manuel Gold, Henri Vion, Jean Touret, Edmond Le Flohic

Le groupe initial des artisans de Marolles – 1950 -De gauche à droite : Emile Leroy, Manuel Gold, Henri Vion, Jean Touret, Edmond Le Flohic

L’ambition de Jean Touret est de développer une esthétique simple, noble et contemporaine tout en préservant les formes archétypales du mobilier rustique.

 

Le projet redynamise la vie du village.

Pour exemple la réalisation communautaire en 1950 d’un  char de carnaval, sur les plans de Jean Touret. Cet immense mammouth, abritant un opérateur tournant la manivelle d’une soufflerie manuelle de forge pour cracher par la trompe des confettis sur la foule, placé sur une remorque agricole tirée par un tracteur fleuri, a défilé dans la ville voisine de Blois.

« Le Mammouth », char de carnaval réalisé par les habitants de Marolles en 1950, sur les plans de Jean Touret

« Le Mammouth », char de carnaval réalisé par les habitants de Marolles en 1950, sur les plans de Jean Touret

Ou encore la présence  pendant tout en week-end en juin 1956 des reporters de l’ORTF ( L’unique chaine de télévision de l’époque, publique ) venue filmer tous les détails de la vie de cet étonnant village rural  beauceron réveillé par ses artisans paysans créateurs de mobilier rustique, attirant un public éclairé  parisien , inventant une esthétique nouvelle basée sur des traditions anciennes, et développant un modèle économique à contre-courant de l’industrialisation florissante.

Grande surprise des habitants de se voir apparaître presque en temps réel sur des écrans disposés à chaque coin de rue – la télévision était encore une rareté, aucun des habitants de Marolles ne possédait un téléviseur, il n’y avait qu’une seule chaîne, en noir et blanc et qui n’émettait que quelques heures par jour.

Fierté des habitants de penser qu’il étaient vus dans le même moment dans toute la France.

Un grand feu de la Saint Jean fut organisé sur la place du village, et un bal mélangea les villageois en habits du dimanche et sabot avec les gens de la ville en souliers vernis.

Il guide cette aventure communautaire avec un humanisme, emprunt de modestie. Il travaille le bois dans sa nature, en particulier le chêne dont il exacerbe les fibres. Il engage des collaborations en réintégrant par exemple les pentures sur le coffre traditionnel et le piétement en fer forgé. L’objet mobilier est au cœur de sa réflexion. Ce travail patient est exposé localement et connait progressivement un succès local et national vendu dans l’atelier de décoration de Primavera (Grands magasins du Printemps) à Paris alors dirigé par Colette Guéden.

 

Quelques dates

  • 1958 : Première grande exposition du mobilier Marolles dans le château de Blois.
  • 1958 : Jean Touret effectue une mission dans le village de Bonneval sur Arc, à la demande du maire Gilbert André, pour y développer un artisanat local. Il y retournera régulièrement.

1959 : Les Artisans de Marolles et de Loir et Cher

Le mobilier de Marolles remporte un grand succès commercial. La production des Artisans de Marolles est insuffisante pour répondre à la demande. Cela suscite des convoitises auprès d’autres artisans qui s‘essayent à utiliser la même veine. Pour contrer ce danger, les Artisans de Marolles décident d’incorporer de nouveaux artisans dans leur coopérative, en l’étendant au Loir&Cher. Un nouveau statut commercial est crée.

 

Groupe additionnel, dans le Loir et Cher

  • Mr Lerin, menuisier aux Montils
  • Mr Masnières, vannier aux Montils
  • Mr Dewaele, ferronnier à Saint-Georges sur Cher
  • Mr Courtin et son fils, ferronniers à Chitenay

Jean Touret, est toujours directeur artistique

Un label est crée, pour certifier la provenance des pièces produites

Artisans de Marolles et du Loir et Cher : label commercial

Artisans de Marolles et du Loir et Cher : label commercial

Quelques dates :

1960 : Jean Touret effectue une mission en Lozère,  pour y développer un artisanat régional.

1961 : Première exposition permanente d’été dans le village de Marolles.

1962 : Jean Touret effectue une mission en Kabylie,  pour y développer un artisanat régional,  interrompue par la fin de la guerre d’ Algérie.

1964 : Départ de Jean Touret et scission du groupe

Jean Touret déménage du village de Marolles, au nord de la Loire,  pour celui Des Montils, toujours dans le Blésois, mais au sud de la Loire.

Jean Touret décide de se consacrer entièrement à la sculpture ; il quitte la direction artistique du groupe des « Artisans de Marolles et du Loir et Cher ».  Les artisans du groupe initial reprennent leur autonomie pour fonder  un nouveau groupe dénommé « Artisanat de Marolles » auquel se joindra  un menuisier de Blois, Mr Lézé.

Ces deux groupent coexisteront quelque temps. Ils n’auront plus de directeur artistique désigné. Le design du mobilier évoluera,  en divergeant sensiblement du « design Jean Touret.

Résumé: Les quatre périodes

Période Dates (approximatives) Organisation Designer
Période 1 1950 – 1959

 

« Les Artisans de Marolles » Jean Touret
Période 2 1959 – 1964

 

« Les Artisans de Marolles et de Loir et Cher » Jean Touret
Période 3

 

Période 4

1964 – 1970 ?

 

« Les Artisans de Marolles et de Loir et Cher » Aucun

 

1964 – 1970 ?

 

« Artisanat de Marolles » Aucun